dimanche 28 février 2016

Je n'irai pas au salon de l'agriculture!


Cette année depuis près de 40 ans je n’irai pas au salon de l’agriculture.
Je n’irai pas parce que le salon qui est dédié à l’agriculture ne l’est plus dans les faits. Je garde la mémoire de celui de l’an dernier qui est devenu années après années une fête foraine où les stands prennent tous le prétexte de l’agriculture pour vendre leur camelote.
Le pittoresque du salon était d’avoir quelques vendeurs de saucissons et de glaces au milieu d’un monde agricole fier de présenter son savoir faire, désormais c’est devenu l’inverse il y a quelques agriculteurs au milieu des vendeurs de tout,  pas toujours en rapport avec l’agriculture.
Les hommes politiques avaient l’habitude de passer beaucoup de temps au milieu des animaux et un passage sur quelques stands officiels d’organismes institutionnels du monde agricole, c’est devenu désormais l’inverse.
Les agriculteurs qui présentent des animaux ne restent plus la semaine maintenant, ils viennent à tour de rôle par manque de place et ceux là gardent mon soutien le plus total de leur courage et leur ténacité.
Les stands de la grande distribution qui étrangle chaque jour les agriculteurs ont désormais pris leur place, pour mieux justifier du bien fondé de leur assassinat permanent.
La place de tous ceux qui se gavent sur le dos de l’agriculture y est désormais plus importante que l’agriculture elle-même.
Le salon est devenu la fête des néo-ruraux, des bobos, de tous ceux qui à la recherche de leurs racines viennent chercher un peu d’exotisme local, le salon est devenu un voyage tendance comme on va visiter le Mont St Michel ou la tour Eiffel, on y trouve même des agences de voyage ou des représentants du tourisme pour inciter à venir visiter….les paysans, un peu comme on irait visiter une réserve d’indiens et peu se soucient de penser que cette nature si vénale à visiter ce sont les agriculteurs qui l’entretiennent par un travail de plus de 60 heures par semaine.
Cela me fait penser à la fin du film de la soupe aux choux, lorsque les gens visitent le Glaude et le Bombé en vieux paysans derrière leur grillage.
Qui plus est cette année avec la crise sans pareille que vit le monde agricole dans son ensemble, où beaucoup de nos collègues ne finiront pas l’année, par la cause d’un pouvoir politique impuissant et incapable assisté par les transformateurs et la grande distribution toujours plus assoiffés de marges financières, en allant au salon j’aurais l’impression d’aller faire la fête au milieu d’une fabrique de cercueils.
J’ai rencontré des agriculteurs ce week-end et j’irai en voir d’autres encore cette semaine, car je préfère être avec eux pour trouver de réelles solutions à leur malheur.
Je finirai par cette petite histoire que j’ai trouvée dans un journal et  tellement réaliste : c’est un agriculteur et un préfet qui se rencontrent et le préfet demande au paysan.
-Mais enfin mon brave que voulez vous ?
-Monsieur le préfet je voudrais juste vivre de mon métier.
-Mais vous n’y pensez pas mon brave, il y en a déjà tellement qui en vivent avant vous…

dimanche 7 février 2016

Trois raisons de la crise agricole, une solution


Le monde agricole vit une crise grave sans précédent qui risque d’être longue car le pouvoir politique et européen n’a pas anticipé les mesures à prendre pour la résorber.

Cette crise de l’agriculture européenne exacerbée en France a trois origines.
La première est européenne avec l’embargo russe et d’une manière générale les décisions politiques de ne pas commercer avec tel ou tel pays pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les problématiques de commerce agricole. C’est d’autant plus grave lorsque ce phénomène se trouve sur un même continent, donc avec des frais d’approche réduits, et avec des pays qui ont les moyens de payer. Que des embargos soient décidés politiquement fait partie des décisions laissées possibles par la démocratie, mais il est inconcevable que seul un secteur économique en supporte les conséquences alors qu’elle devrait être portée par la nation toute entière.
La seconde qui pourrait soulager la première est une Politique Agricole Européenne qui a été construite autour de la modernisation des agricultures des pays entrant récemment dans l’Europe au dépend du maintient voire de la progression des revenus de ceux qui en vivent. Ainsi la PAC actuelle est une politique essentiellement structurelle soutenant la modernisation,  avec au passage un brin de dogme vert, mais ne disposant d’aucun outil de soutien au revenu.
Je me souviens lors de séminaires sur la PAC organisés par la FNSEA et en présence de décideurs de l’Europe, les charges oratoires de Xavier Beulin suppliant de maintenir des outils de régulation de marché. On voit aujourd’hui dans la crise agricole actuelle que ces outils seraient bien utiles.
Et enfin la troisième origine vient d’une pléthore de normes en tout genre à tous les niveaux des filières écrasant les marges par des coûts prohibitifs de mises aux normes, impactant fortement surtout les échelons de la production et de la transformation en en faisant supporter le coût au consommateur. Ainsi le peu de marges économiques disparaissent dans les applications de ces normes et lorsqu’il n’y a plus de marges rendent les revenus négatifs. Qui plus est ces normes pour la plupart sont franco-françaises et n’apportent strictement rien en matière de sécurité alimentaire. L’angle de courbure de la banane, le diamètre du steak haché ou la largeur de la bande enherbée apportent ils une sécurité supplémentaire au consommateur ?
Le changement climatique viendra accentuer les crises à venir et si nos décideurs politiques n’y prennent pas garde, nous mangerons très rapidement du poulet lavé à l’eau de javel venant du Kenya , du taurillon aux hormones des feed lot des USA ou des légumes dessaisonnés sous serres du Maroc.
La société semble soutenir ses agriculteurs, il devient urgent avec son aide de contraindre dès le bilan à mi- parcourt de la PAC les décideurs européens de réorienter la PAC sur la régulation des marchés notamment par un système assurantiel et de laisser la liberté aux producteurs d’adapter leurs exploitations au marché.