Si vous cherchez une activité qui occupe beaucoup
et économiquement peu valorisante, lancez-vous dans la méthanisation avec
injection de biométhane.
Depuis mon dernier article il s’est passé pas
mal de choses et les quelques espoirs sur le fonctionnement du purificateur
Air-Liquide se sont effondrés. Le 30 mai
le purificateur s’est arrêté et impossible de le remettre en route. Un
technicien est venu et après plusieurs tentatives le compresseur, pièce
maîtresse, s’est cassé sans qu’à ce jour nous n’ayons eu l’explication et sans
doute la saurons-nous jamais, bien que nous ayons notre petite idée. Résultat
30 jours d’arrêt de production et la perte d’exploitation qui va avec, qu’Air-Liquide
n’entend pas dédommager, pas plus que les jours d’arrêts depuis 1 an de leur fait.
Une fois le compresseur remis à neuf, la panne initiale n’étant pas trouvée
pour autant, la cause fut enfin trouvée, c’était un filtre bouché par l’huile
du compresseur.
En bon paysan que je suis lorsque mon tracteur
ne veut pas démarrer et qu’il étouffe au bout de quelques minutes je sais que
cela vient ou du filtre à gasoil ou du filtre à air. Et en quelques minutes je
trouve la panne. Chez Air-Liquide il a fallu des jours de recherche par des
ingénieurs et des vérifications à n’en plus finir au bureau et sur le terrain sur tout, sauf le filtre. Sont venus s’ajouter à
cela des défauts de sondes en tout genre et qui bien entendu bloquent tout, car
la sécurité chez Air-Liquide est primordiale, je pense même que quand ils
conçoivent une installation ils commencent par là, mais résultat à force de
sécurité rien ne fonctionne.
Une fois donc le purificateur en état de
refonctionner avec tout plein de défauts non résolus, il a fallu relancer la
méthanisation qui était bloquée par le non soutirage de gaz et donc la
saturation en H2S et c’est encore au moins un mois pour obtenir du gaz à peu
près conforme. La méthanisation c’est de la biologie, imaginez une vache à qui
vous mettez un bouchon dans le cul, soit elle crève, au mieux elle devient
malade et ce n’est pas parce que vous enlevez le bouchon que le gaz se met à
sortir en quantité et en qualité.
Evidemment cette perte de production durant
presque 2 mois met à mal notre business plan et il faut encore une fois la
patience et la compréhension du Crédit Agricole qui attend, le soutien de nos
actionnaires, l’aide d’amis tant techniques que financiers pour réajuster tout
ce qui peut l’être, et GRDF toujours fidèle qui s’adapte à notre situation.
Au stade où nous en sommes nous pouvons dire que
la méthanisation avec injection de biométhane est chronophage à un niveau qu’on
n’imagine pas, c’est comme un éleveur qui ferait des vêlages toute l’année,
tant la surveillance doit être en permanence.
Et économiquement à moins de disposer de
capitaux très importants, ou que ce soit porté par une collectivité qui ne regarde pas trop la
rentabilité cette énergie renouvelable ne rapporte pas grand-chose aux prix de
risques très importants.
Pour discuter avec beaucoup d’acteurs dans le
monde de la méthanisation et particulièrement l’injection de biométhane, hormis
quelques cas particuliers ou de très grosses unités portées par des entreprises
ou des collectivités, la rentabilité est plus faible qu’annoncée sur le papier
car l’évaluation de la production est très souvent surévaluée et les pertes de
rendement soit par la complexité de la chaine qui forme l’ensemble en
multipliant les sources de pannes ou par les causes de non-conformité du gaz diminuent
fortement cette rentabilité. Il ne faut pas chercher à faire fortune dans ce
secteur.
Dans le cas de l’injection il y a trois maillons
de la chaine très souvent portés par trois acteurs différents, la
méthanisation, la purification et l’injection. C’est donc trois fois plus de sources de
pannes, trois fois plus de sources de conflits entre entreprises différentes se
rejetant la responsabilité et trois fois plus de raisons pour l’exploitant de
ne pas pouvoir commercialiser du gaz.
Les porteurs de projets ou les banquiers qui
nous appellent pour avoir des renseignements ont tous bien conscience de cela
et c’est sans doute la chose qui les freine le plus. La solution pour permettre
l’essor de cette filière passe par l’assouplissement des normes de qualité du
gaz, je ne cesserai de le répéter et par la création de groupes industriels
capables de livrer clés en main l’unité au complet maîtrisant les trois maillons
de la chaine. Et je n’invente rien c’est comme cela que ça se fait à l’étranger
et c’est d’ailleurs la raison de leur plus forte progression sur cette énergie.
C’est d’ailleurs fou que cela n’arrive pas à
se faire ne serait-ce par ENGIE qui rappelons le est « propriétaire »
de GRDF, et qui est une entreprise capable de maîtriser la totalité de la
chaine en s’associant avec des entreprises compétentes et livrer à des exploitants
à qui elle achèterait le gaz produit.
Cette production est davantage industrielle qu’agricole
et les entreprises industrielles n’ont pas la souplesse et la débrouillardise
du monde agricole pour s’adapter à celui-ci qui est pourtant la première
source de matière pour produire du biogaz.
Rappelez-vous de cet adage qui est l’exact
résumé de la situation que nous vivons :
La théorie
c’est quand on sait tout alors que rien ne fonctionne.
La
pratique c’est quand tout fonctionne bien que l’on ne sache pourquoi.
Les industriels c’est la théorie et le monde
agricole c’est la pratique. Comment faire accepter à un industriel bardé d’ingénieurs
qu’il faille faire confiance au bon sens du paysan qui a les solutions sans les
expliquer.
Rendez-vous à un prochain épisode.
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