Cette année depuis près de 40 ans je n’irai pas au salon
de l’agriculture.
Je n’irai pas parce que le salon qui est dédié à l’agriculture
ne l’est plus dans les faits. Je garde la mémoire de celui de l’an dernier qui
est devenu années après années une fête foraine où les stands prennent tous le
prétexte de l’agriculture pour vendre leur camelote.
Le pittoresque du salon était d’avoir quelques vendeurs
de saucissons et de glaces au milieu d’un monde agricole fier de présenter son
savoir faire, désormais c’est devenu l’inverse il y a quelques agriculteurs au
milieu des vendeurs de tout, pas
toujours en rapport avec l’agriculture.
Les hommes politiques avaient l’habitude de passer
beaucoup de temps au milieu des animaux et un passage sur quelques stands officiels
d’organismes institutionnels du monde agricole, c’est devenu désormais l’inverse.
Les agriculteurs qui présentent des animaux ne restent
plus la semaine maintenant, ils viennent à tour de rôle par manque de place et ceux là gardent mon soutien le plus total de leur courage et leur ténacité.
Les stands de la grande distribution qui étrangle chaque
jour les agriculteurs ont désormais pris leur place, pour mieux justifier du
bien fondé de leur assassinat permanent.
La place de tous ceux qui se gavent sur le dos de l’agriculture
y est désormais plus importante que l’agriculture elle-même.
Le salon est devenu la fête des néo-ruraux, des bobos, de
tous ceux qui à la recherche de leurs racines viennent chercher un peu d’exotisme
local, le salon est devenu un voyage tendance comme on va visiter le Mont St
Michel ou la tour Eiffel, on y trouve même des agences de voyage ou des
représentants du tourisme pour inciter à venir visiter….les paysans, un peu comme on
irait visiter une réserve d’indiens et peu se soucient de penser que cette
nature si vénale à visiter ce sont les agriculteurs qui l’entretiennent par un
travail de plus de 60 heures par semaine.
Cela me fait penser à la fin du film de la soupe aux
choux, lorsque les gens visitent le Glaude et le Bombé en vieux paysans derrière
leur grillage.
Qui plus est cette année avec la crise sans pareille que
vit le monde agricole dans son ensemble, où beaucoup de nos collègues ne
finiront pas l’année, par la cause d’un pouvoir politique impuissant et
incapable assisté par les transformateurs et la grande distribution toujours
plus assoiffés de marges financières, en allant au salon j’aurais l’impression
d’aller faire la fête au milieu d’une fabrique de cercueils.
J’ai rencontré des agriculteurs ce week-end et j’irai en
voir d’autres encore cette semaine, car je préfère être avec eux pour trouver
de réelles solutions à leur malheur.
Je finirai par cette petite histoire que j’ai trouvée dans
un journal et tellement réaliste :
c’est un agriculteur et un préfet qui se rencontrent et le préfet demande au
paysan.
-Mais enfin mon brave que voulez vous ?
-Monsieur le préfet je voudrais juste vivre de mon
métier.
-Mais vous n’y pensez pas mon brave, il y en a déjà
tellement qui en vivent avant vous…