Je voudrais rendre hommage à une personne hors du commun qui
vient de disparaître à 43 ans laissant deux enfants de 7 et 5 ans.
Anne tu étais passionnée par la haute montagne, tu vivais d’ailleurs
à ses pieds dans les Hautes Pyrénées dans le petit village de Avezac Prat
Lahitte tout près de Lannemezan, cette
montagne qui pour toi était son ski en hiver et ses randonnées en été. Et c’est
cette montagne qui t’a gardé pour elle ce 19 juillet dernier, t’arrachant à
Thomas ton mari et deux petits enfants.
Quand je t’ai connue à l’âge de 16 ans alors que j’en
avais tout peine deux de plus que toi, dans ce lycée agricole de Marmilhat où
nous étions pensionnaires et avec une poignée de copains nous partagions le
tout petit peu de temps libre le soir entre deux études. Vraiment j’insiste sur le peu de temps libre
surtout pour toi qui faisais tous les soirs les deux études, qui continuais après l’extinction des lumières dans le
dortoir à la lumière de lampes portatives et le week-end lorsque tu ne rentrais
pas dans ta famille à Aurillac.
Qu’étais tu donc venu faire dans ce lycée agricole toi
dont le père était professeur en collège, ta mère en marge de la société dans
une caravane et tes sœurs avec lesquelles tes affinités n’étaient pas égales
entre toutes ?
Tu ne le savais d’ailleurs pas toi-même si ce n’est qu’une
envie du milieu agricole et de la nature que tu appréciais tant. Je me rappelle
ces lacunes dans ta formation de base, avec des rédactions de textes à peine
compréhensibles tant les fautes étaient pléthores, cet anglais balbutiant et les sciences des
techniques agricoles qui étaient du chinois pour toi.
Mais je me souviens qu’en deux ans à force de travail
acharné tu as obtenu ton bac D’ avec mention sans aucune faute dans les textes.
Je me souviens que tu as passé et obtenu le concours d’entrée en école d’ingénieur
de l’ISARA de Lyon. Quelle métamorphose tu avais réussi en si peu de temps
faisant l’admiration de tous au prix d’une vie quasi monacale. Je me souviens
que tu aimais faire du cheval, une de tes passions au centre équestre à côté du
lycée, je me souviens aussi que tu voulais apprendre le saxophone que j’essayais
de t’inculquer tout en t’apprenant le solfège les quelques soirs de libre.
Je me souviens de tes fous rires bruyants et incontrôlés,
je me souviens de la belle jeune fille que tu étais et qu’à vingt ans nous
essayions tous de te charmer sans succès. Je me souviens des quelques sorties libres sur
Clermont-Ferrand, je me souviens de mes 20 ans, de cette chemise que tu m’as
offerte et du prix que tu y avais mis payant une qualité qui fait que je la
porte toujours, alors que tu peinais à t'offrir deux cafés.
Ton diplôme d’ingénieur en poche du premier coup, avec
Jérôme que tu as connus dans cette école vous êtes allés travailler à Toulouse, et tu es rentrée à
Ecocert comme contrôleuse et particulièrement sur les vins biologiques. Tu
contentais alors ta sensibilité environnementale en travaillant sur l’agriculture
biologique dont tu croyais en l’essor.
Et puis la vie t’a accidenté, et tu as passé une période
dans la solitude avec la douleur et les
doutes, les souffrances jusque dans tes chairs, la médecine t’affirmant que tu
ne pourrais pas avoir d’enfants.
Tu as rencontré Thomas au cours de ce sport de montagne
qui te permettait d’évacuer tes soucis, qui est devenu ton mari et avec un bonheur
immense vous avez eu deux enfants. Là encore alors que tu n’y croyais plus une
révolution en toi a permis ce qui pour les sachants était impossible et que par
force et volonté tu as fais mentir. Tu as tenté, tout en préservant ton rôle de
mère, de passer le concours d’instituteur que tu as raté, mais avais tu vraiment la volonté d’aller dans cette direction, je n’en
suis pas sûr.
Nouveau changement de vie en décidant d’aller reprendre
une ferme de 4,5ha à côté de Lannemezan pour produire en agriculture biologique
des produits en vente directe, habitant une maison dans le dénuement total et
avec des moyens de communication rudimentaires. Thomas tout en gardant son
travail sur Toulouse s’organisait pour passer le plus de temps à côté de vos
deux enfants.
Et à force de travail là encore tu as réussi et fort de
cette réussite tu venais de créer un magasin franchisé biocoop à Lannemezan
avec 4 emplois, pour distribuer tes produits et ceux de tes collègues.
Ces quelques lignes ne peuvent pas résumer 25 ans de ta
vie et de nos échanges plus ou moins réguliers, elles témoignent juste de ta
vie d’exception. Ton départ si brutal laisse j’en suis sûr un vide immense et
une douleur incommensurable pour Thomas, Robin et Manon. Ton départ nous laisse
nous aussi les quelques amis toujours en relation avec toi sans voix et avec
une immense tristesse. Tu restes pour nous un exemple, un modèle de combat dans
la vie, une preuve que par la volonté et le travail tout est possible.
La vie est injuste, souhaitons que tu trouves la sérénité
dans la mort, et avec compassion nous disons à Robin et Manon : « Vous aviez vraiment une maman
exceptionnelle ».
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