L'agriculture française, pilier économique et symbole de l'excellence tricolore, traverse une tempête sans précédent. Selon un rapport alarmant du Centre national pour la promotion des produits agricoles et alimentaires (CNPA), les exportations agroalimentaires ont connu une dégringolade historique, avec un solde commercial effondré de 93 % en seulement huit mois.
De 4,5 milliards d'euros en 2024, il n'en reste que 350 millions à fin août 2025. Pire, les experts prévoient un équilibre proche de zéro d'ici la fin de l'année, une première en quarante ans. Cette crise multifactorielle menace non seulement les revenus des agriculteurs, mais aussi la souveraineté alimentaire de l'Hexagone. Longtemps première puissance agricole de l'Union européenne, la France voit son modèle exportateur s'effriter à vue d'œil. Les chiffres du premier Observatoire des exportations alimentaires françaises, lancé par le CNPA, sont accablants : les volumes expédiés hors frontières ont chuté de manière vertigineuse, particulièrement pour les produits phares comme les céréales, les vins et les produits laitiers. Nous assistons à une « érosion mensuelle » qui transforme l'excédent commercial en un quasi-déséquilibre. Les conséquences sont immédiates : des milliers d'emplois en péril dans les filières rurales, et une balance commerciale agroalimentaire qui passe du vert éclatant au rouge menaçant. Cette dégringolade n'est pas un accident isolé, mais le symptôme d'une vulnérabilité structurelle. Les tensions géopolitiques, comme les barrières douanières imposées par des partenaires commerciaux, ont amplifié le phénomène. Résultat : les marchés traditionnels, de l'Asie à l'Afrique, se tournent vers des concurrents plus agressifs, laissant la France sur le carreau. Au cœur de cette débâcle réside une perte flagrante de compétitivité. Thierry Pouch, économiste chez Chambres d'agriculture France, qualifie la situation de « choc terrible ». Les coûts de production français, gonflés par des normes environnementales strictes et des charges sociales élevées, rendent les produits hexagonaux moins attractifs face aux rivaux européens. L'Allemagne et les Pays-Bas, par exemple, ont vu leurs exportations agroalimentaires bondir de 15 % sur la même période, grâce à une logistique optimisée et des subventions ciblées.
Les causes sont multiples : une PAC (Politique agricole commune) européenne qui peine à compenser les hausses d'énergie post-crise ukrainienne, et un manque d'innovation dans les filières. Nous payons le prix d'une compétitivité sacrifiée sur l'autel de la transition écologique, les conséquences ? Une dépendance accrue aux importations, avec une hausse de 20 % des achats de produits basiques comme les huiles et les fruits tropicaux, creusant le déficit global de la France. La cerise sur le gâteau amer est la chute brutale de la production agricole. 2024 a marqué la pire récolte céréalière en quarante ans, avec une baisse de 25 % des volumes due à des aléas climatiques extrêmes – sécheresses prolongées et inondations soudaines. Les blés tendres, fer de lance des exportations, ont vu leurs rendements s'effondrer, limitant les surplus disponibles pour l'export. Cette diminution n'est pas qu'un épiphénomène météo : elle reflète une fragilité systémique. Les investissements en irrigation, en stockage de l’eau et en variétés résistantes stagnent, tandis que les jeunes agriculteurs désertent les campagnes, découragés par des marges en compression. À fin 2025, la production globale pourrait reculer de 10 %, selon les projections du CNPA, aggravant la spirale de la désindustrialisation rurale.
La crise touche particulièrement la production animale, où le cheptel bovin s'effrite à un rythme alarmant. Depuis 2018, le nombre de vaches laitières a diminué en moyenne de 2,2 % par an, atteignant 3,1 millions de têtes en 2024, avec une accélération à -2,1 % fin 2024 et une poursuite à -1,1 % fin 2025. Les vaches allaitantes ne sont pas en reste, avec une baisse de 2 % fin 2024 et de 1,8 % projetée pour 2025. Cette décapitalisation, en cours depuis huit ans, est amplifiée par un contexte sanitaire dégradé dû aux nouvelles maladies (FCO, DNC, MHE..) qui réduisent les naissances, particulièrement chez les mâles (-9 % pour les moins de 6 mois fin 2024). Cela a pour conséquence un départ massif d'agriculteurs âgés, un faible taux de renouvellement (seulement 40 %), et une attractivité en berne due à des rémunérations modestes et une image négative du métier. Résultat : la production de viande bovine devrait chuter de 1,8 % en 2025, à 1,29 million de tonnes équivalent carcasse, tandis que les exportations de broutards plongent de 8 %. Bien que les volumes laitiers se maintiennent grâce à une productivité accrue par vache, cette érosion menace la filière dans son ensemble, accentuant la perte de compétitivité sur les marchés mondiaux.
La France risque de devenir un importateur net d'aliments, un scénario impensable il y a encore cinq ans ». L'enjeu est clair : retrouver une compétitivité innovante et résiliente. Sinon, l'agriculture française, ce joyau de la PAC, pourrait bien se faner sous le poids de ses propres contradictions. Une page se tourne ; espérons que la suivante soit celle d'un sursaut collectif au risque demain que notre souveraineté et même pire notre sécurité alimentaire soit dans la main de nos concurrents.
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