Nous avons été manifester à Paris et il faut bien reconnaître
que nous avions un peu d’amertume en revenant, nous nourrissions tantd’espoir
dans la revalorisation des prix agricoles. Mais nous ne sommes pas en Corée du
Nord ni au temps de l’URSS et dans une économie de marché que nous avons voulue
et défendue ce n’est pas le gouvernement qui fixe les prix.
Cependant ce marché est faussé. Il l’est pas le dumping
social des autres pays européens et à fortiori des pays tiers, mais il l’est
aussi par la trop grande administration de notre agriculture européenne ne
laissant aucune souplesse. Nous appliquons en Europe des plans septennaux comme
en URSS où tout est figé durant sept ans dans une économie de marché
complètement libre et vouée au marché mondial. Ces deux éléments sont
absolument incompatibles et forcément certains acteurs en jouent, comme par
exemple dans le marché de la viande, pour bloquer la libre circulation se
réfugiant derrière un règlement européen pour en tirer un profit personnel
maximum.
Ajouté à cela des décisions politiques d’embargo, de
représailles ou des problèmes sanitaires plus ou moins fictifs et c’est toute l’économie
agricole qui en pâtit, par répercussion les millions d’agriculteurs qui n’ont
aucun autre choix de subir, atomisés par leur très grand nombre et leur manque
d’organisation.
On assiste à la situation la plus ubuesque possible où le
producteur à la base de la pyramide économique permet à des millions de gens de
travailler sur leurs débouchés et d’en vivre bien, sans pour autant en
récupérer le moindre bénéfice. Dans tous les autres secteurs économiques le
producteur fixe le prix, sa marge et jusqu’au consommateur final les
intermédiaires répercutent leurs coûts et leur marge.
En agriculture c’est l’inverse : le pouvoir
politique décide que le citoyen doit manger des aliments de bonne qualité
sanitaire, et si possible nutritionnel, au plus bas prix possible, laisse les intermédiaires fixer leurs marges et
si il ne reste rien pour le producteur, dans sa grande clémence ce même pouvoir
politique accorde quelques subsides sous forme d’aides avec de nombreuses
contraintes administratives, car il ne faudrait tout de même pas que tout cet
argent public qu’on distribue si chichement ne permette à quelque producteur d’avoir
des goûts de luxe en prenant des vacances par exemple, pour se reposer des
70 heures de travail par semaine.
Ainsi donc le manant cul terreux parfois se rebelle et à
grands coups de bennes de fumier devant les préfectures ou par une grande
manifestation dans la capitale derrière son syndicat plus que majoritaire qu’on
dit puissant, vient chercher un complément d’aide afin de passer les crises.
Et dans cette nouvelle crise que le monde agricole vit à
la suite de bien d’autres et avant celles à venir, le gouvernement en place
accorde ces nouvelles aides devenues habituelles, et criant haut et fort qu’on
pèsera tout son poids à Bruxelles pour tout changer ce que tous s’accordent à
constater que cela ne marche pas, pourtant après l’avoir mis en place.
Mais les agriculteurs ont une grande responsabilité et
malgré mes responsabilités syndicales qui me motivent à défendre la cause
agricole dans son ensemble, individuellement chacun ne fait pas toujours ce qu’il
faudrait pour surmonter ces crises. Par le manque de formation qui laisse trop
souvent le conseiller de gestion ou le banquier décider ce qui est bien ou ne l’est
pas, par cette contradiction de
comportement qui fait qu’en cas de coup dur la solidarité n’est pas un vain mot
mais qui n’empêchera pas de se battre pour les terres libres du voisin, par ce
génie à fonder ensemble des coopératives et en laisser les pouvoirs de décision
trop souvent sans contrôles à ceux qui sont payés juste pour les faire
fonctionner. Les agriculteurs sont des
chefs d’entreprises qui plutôt que d’économiser sur leur outil de travail pour
leur famille ou leur plaisir, j’allais dire loisirs, préfèrent trop souvent
mettre leur bénéfice dans du matériel neuf et rutilant exposant là un semblant
de fierté au mépris d’une dépréciation exponentielle.
Je pourrais citer beaucoup, beaucoup d’autres points
exposant les travers d’un métier composé souvent de grands enfants incapables
de se rassembler pour tirer de leur métier une raison économique plutôt que
passionnelle.
Depuis la fin de la dernière guerre et cette volonté du
pouvoir politique de dire aux agriculteurs « produisez nous ferons le
reste » c’est un peu l’infantilisation de l’agriculture qui est la cause d’une
grande partie des crises qui secouent l’agriculture ou au moins qui l’empêchent
de les surmonter.
Bref, comme je sais qu’un texte trop long n’est jamais lu
jusqu’à la fin, j’en arriverai à la conclusion que la société tout entière, au
travers de son pouvoir politique a le devoir de changer profondément et
radicalement les choses en usant de pédagogie et de patience pour le bien de
notre sécurité alimentaire qui sera importante dans les années à venir.
Il faut donc réformer l’enseignement agricole en l’axant
beaucoup plus sur l’économie notamment au travers de l’apprentissage,
accompagner la transformation et le regroupement des filières au travers du
système coopératif qui est le seul capable de s’autogérer et d’affronter les
tempêtes comme les périodes de beau, et expliquer au consommateur que si il
veut continuer à bien manger et rester en bonne santé il doit absolument
considérer mieux son kilo de pommes de terre, de viande ou son litre de lait que son Iphone 6.
En me relisant je me demande si je ne délire pas. Mais
après tout est-ce qu’il n’y aurait pas en France, localement, nationalement ou
en Europe, des syndicalistes et des hommes politiques capables avec raison d’écrire
un nouveau destin pour l’agriculture ?
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