mardi 11 juin 2024

Anatomie d’une chute prévisible.


Inévitablement nous courrons vers une catastrophe démocratique avec l’arrivée des extrêmes au pouvoir. Ce sera sans doute l’extrême droite quoique l’extrême gauche n’est pas en reste et eux deux captent désormais plus de 60% des intentions de vote, la majorité n’est donc pas loin.

A quoi doit on cette poussée qui est la traduction du rejet par les électeurs, d’une grande part des dirigeants politiques en France mais aussi en Europe et d’une manière générale en occident.

Voilà ma petite opinion après plus de 30 ans de vie politique d’élu local, au contact de tous les niveaux politiques du plus simple, la commune, au plus élevé l’Europe.

Je participe mais à un niveau modeste et surtout observe la classe politique que je côtoie.

La situation de délabrement tant moral qu’économique de nos pays vient de deux facteurs essentiels.

Le premier est que la démocratie pour fonctionner a besoin de majorité, mais à contrario le plus souvent ce sont les minorités qui font loi.  Elles le font soit en étant bruyante et donnant l’impression d’être majoritaire, c’est le cas le plus souvent des manifestations syndicales ou des partis minoritaires mais qui s’organisent de façon semblable au combat syndical. Le bruit attirant systématiquement les caisses de résonnance comme la presse ou les réseaux sociaux, le pouvoir politique tremble face à ce que sont en réalité le plus souvent quelques personnes exubérantes et entrainées.

Soit en se rendant indispensable pour constituer une majorité. C’est ainsi qu’un parti de quelques pourcents viendra constituer une majorité aux côtés d’un parti très important à qui il manque quelques voix. On assiste alors au faiseur de roi, le parti minoritaire monnaye ses quelques pourcents à raison de 1000 fois leur valeur pouvant même aller jusqu’à faire changer de politique les tendances les plus majoritaires. Comme exemple, les partis écologistes ne vivant que par l’expression de la peur de totems à défendre, ont fait changer bien des majorités afin d’obtenir l’abandon de l’énergie nucléaire.

Je n’ose parler des compromissions religieuses pour plaire à un électorat communautaire.

Le second plus grave n’est possible que par la couardise des hommes politiques qui acceptent ces compromissions. Et pourquoi acceptent-ils ces compromissions ? Parce que désormais la majorité des hommes politiques dans des collectivités importantes et à plus forte raison au niveau national sont tous des hommes politiques professionnels.

La plupart sortent des mêmes grandes écoles, si bien qu’il devient difficile de les distinguer de leurs homologues qui eux choisissent la fonction publique ou le journalisme et tous deviennent élus après être passés par les cabinets des exécutifs des collectivités ou de l’Etat. Arrivés en place ils cooptent à leur tour des membres de cabinets qui deviendront des élus, le cercle ne s’arrête jamais jusqu’à la limite de la consanguinité.

Mais combien ont réellement travaillé ? combien ont été chef d’entreprise, artisan, agriculteur, employé, combien savent ce que c’est que de déposer un bilan, de remplir les milliers de page de dossiers administratifs, d’organiser des équipes, des chantiers, quels sont ceux qui comme patron auront baissé leur salaire pour sauver leur entreprise et ses salariés ? Parce que non-content d’occuper des places électives ils embauchent encore plus de fonctionnaires pour assoir leur pouvoir qui fabriquent encore plus de normes et contraintes administratives. La France a le plus de fonctionnaires par habitant, a la plus grosse dette publique avec des services publiques qui fonctionnent de plus en plus mal, alors pour résoudre le problème ils embauchent encore plus de fonctionnaires et augmentent les impôts ou taxes pour les payer. Et quand cela ne suffit pas ils créent des collectivités sans en supprimer bien entendu. C’est ainsi qu’en 2002 une couche supplémentaire a été rajoutée avec les communautés de communes ou d’agglomérations, embauchant des milliers de fonctionnaires pour faire….ce qui se faisait déjà !

 60.000 fonctionnaires ont été embauchés en 2023 !

On assiste alors depuis 40 ans à une lâcheté politique qui ne refuse jamais rien, qui laisse filer en asseyant son pouvoir sur des collectivités toujours plus pléthoriques.

Le plus flagrant reste le monde de la santé, pour lequel une filière administrative a été créée de toute pièce et sa progression en effectifs a augmenté de 15% en 10 ans !

Tandis que les soignants sont restés stables ! Qui a pu concéder de telles erreurs, quelles décisions politiques ont pu amener à un tel gaspillage d’argent, d’énergie et de temps. On voit malheureusement le résultat par le délabrement de notre système de santé qui a été un des plus performant au monde.

Le pouvoir politique professionnel est un immense clan qui d’ailleurs fait bien sentir à celui qui n’en vient pas que sa légitimité des urnes ne vaut pas la sienne, car celui qui pour vivre ou par passion garde son métier n’est considéré que comme un homme politique amateur et son avis compte souvent qu’à moitié. Il doit se battre le double des élus professionnels qui eux peuvent user de réseaux entre eux constitués dans les fameuses écoles.

La répartition des responsabilités ne se fait pas en fonction des compétences, ni de l’expérience, encore moins du travail et des résultats obtenus, mais en fonction du rang dans le professionnalisme politique. Les fauteuils pour les professionnels, les strapontins pour les amateurs.

En outre la plupart, forts d’un statut de fonctionnaire, ont un privilège incommensurable de pouvoir retourner dans leur corps d’attache en cas de défaite électorale !

Au Parlement fini les artisans, les agriculteurs, les médecins, il n’y a plus que des députés qui exercent par observation ou par procuration de la vie des autres.

Le Parlement comporte 4,5% d’employés alors que la population française en compte 26,2%, 1,4% d’ouvriers alors que la population française en compte 19,1%, mais par contre 70% de cadres supérieurs alors que la population française n’en compte que 21,6%. Tous les partis lors des élections se targuent de représenter les couches populaires et travailleuses en envoyant au Parlement 70% de professionnels de la politique, qui ne savent pas ce que c’est que de peiner à finir les fins de mois, ou n’ayant jamais investi leur propre argent dans une entreprise.

Leur problème n’est donc pas de résoudre les problèmes des Français mais surtout de se faire réélire et c’est valable dans tous les partis.

La principale occupation des cabinets politiques sont les arrangements politiques. C’est la forme plus que le fond qui les intéresse, les ententes, les alliances, les mariages et les divorces et quel qu’en soit le prix quitte à tuer ses propres amis politiques pour garder sa place ou prendre la leur.

Une réunion pour organiser la prochaine élection sera toujours plus importante à leurs yeux qu’une réunion sur un dossier de fond à laquelle sera envoyé en collaborateur.

D’ailleurs ces hommes politiques « professionnels » sont compétents dans tous les domaines. Un jour dans le domaine de la santé, le lendemain dans l’agriculture, le jour d’après dans les transports, ce qui compte c’est d’occuper un poste.

J’ai connu Louis Mermaz ministre de l’agriculture qui avait été tour à tour ministre des relations avec le parlement, puis de l’agriculture, puis des transports, puis de l’équipement et ne rêvez pas, aujourd’hui cela existe toujours avec les hommes politiques contemporains et pas qu’au niveau national.

La passion de défendre une cause de la vie contemporaine n’est pas leur motivation, j’en ai même connu qui se moquaient avec dédain en privé du secteur qu’ils étaient censés représenter ou défendre…

Les décisions courageuses, souvent radicales et toujours impopulaires ne sont pas leur priorité.  Repousser, faire prendre la décision par un collègue ou transférer à une agence composée de fonctionnaires reste la meilleure façon d’exercer leurs responsabilités.

Evidemment lorsque les élections approchent les cabinets tournent à plein régime, les éléments de langage fusent, les beaux discours que les électeurs veulent entendre se déclament quitte à être en contradiction les uns à la suite des autres, l’empathie règne, les convictions se forgent au gré des rencontres qui ne durent que jusqu’au premier tour des élections, quitte à les renier pour accéder au second tour.

C’est comme cela qu’au pouvoir, exercent des professionnels de la politique qui emmènent le pays dans l’abîme du déficit budgétaire et de l’endettement et les collectivités dans les hausses d’impôts bien aidés par leurs cabinets composés de jeunes futurs élus sans expérience qui les guident.

Ils n’endossent jamais aucune responsabilité dans les mauvaises décisions politiques en trouvant toujours un facteur ayant gêné leur action ou en changeant les règles pour se disculper.

La Macronie est la carricature de ce système, lui-même, Attal, Philippe, Borne, Lemaire n’ont jamais eu d’autres emplois que la politique et ce sont bien eux qui ont explosé la dette du pays.

Certes il y a bien ici ou là quelques contres exemples, surtout chez les femmes d’ailleurs, qui ont adopté des lignes de conduite stables et exercent leur mandat par conviction, ceux-là généralement ont des résultats probants et peu cumulent tous les défauts, mais ce qui serait inconcevable pour un artisan de ne pas équilibrer des comptes par exemple, est tout à fait acceptable pour un professionnel de la politique qui changera les règles pour mieux perdurer.

Il manque à la politique les gens de la vraie vie, ceux qui ont exercé un métier et qui peuvent le reprendre en cas de défaite.

Il manque le réalisme, le calme et la patience de la province à l’inverse de Paris et ses banlieues dans l’agitation permanente. Napoléon était Corse, Charles de Gaulle de Lille et ils ont marqué la France.

Beregovoy, Sarkozy ne faisaient pas partie de cette caste et ont dû arracher avec les dents les responsabilités qu’ils ont exercé, contre vents et marrées avec le dédain de leurs homologues. L’un l’a payé de sa vie, conspué par la presse si attachée « au système » l’autre le paye encore par l’acharnement judiciaire des juges majoritairement à gauche qui lui font payer de les avoir comparés à des petits pois.

Il faudra aussi s’interroger sur les pouvoirs des juges jusque dans les instances suprêmes de la République qui vont jusqu’à mettre en cause et détourner les lois votées par les députés.

Il manque l’humilité dans l’exercice du pouvoir, le besoin d’écouter les conseils des gens d’expérience, la nécessité de la remise en cause permanente des décisions prises.

La démocratie possède ses cycles et nous arrivons à la fin d’un qui aura consacré la politique comme un métier Et quand on voit en plus le partisanisme des écoles comme Science-Po ou certaines universités, comment ne pas imaginer demain le chaos transporté dans les fonctions exercées.

Pourquoi la très grande majorité des collectivités de tailles moyennes sont bien gérées ? Simplement parce qu’elles ne le sont pas par des professionnels de la politique, mais par des agriculteurs, des chefs d’entreprise, des artisans, des commerçants, des médecins, des gens qui par ailleurs exercent un métier.

Je rappelle au passage que dans le code des collectivités locales, exercer une fonction élective doit se faire de manière bénévole et que les indemnités sont là pour compenser une perte de salaire d’activité.

Ce cycle comme tous finira par l’arrivée des extrêmes au pouvoir, pas grâce à eux, mais par la faute d’années de reniement et de compromission par tous ceux qui ont gouverné loin de la réalité, jusqu’à la chute prévisible. Ils ne résoudront d’ailleurs rien mais auront permis d’être le défouloir démocratique le temps d’un instant.

Bien sûr qu’il y a des solutions !

Elles passent par l’impossibilité pour les élèves sortant des grandes écoles d’exercer un mandat durant un minimum de 15 ans et avant d’avoir exercé un métier, une profession dans la fonction publique. Appliquer aux élèves qui ont bénéficié d’une haute formation payée par l’Etat le système imposé aux militaires me semble normal.

Et si jamais pendant cette période de 15 ans un de ces élèves voulait absolument exercer un mandat il devrait démissionner de la fonction publique et de tous ses avantages.

Il est nécessaire de pouvoir cumuler en même temps plusieurs mandats mais avec des limites dans le temps. Deux à trois mandats de suite me semblent nettement suffisants pour imprimer une politique. Cela permet en outre de prendre des décisions parfois difficiles sans le souci de la réélection.

Il est indispensable aussi de revoir les lois sur les conflits d’intérêts qui paralysent la bonne gestion et les négociations utiles à celle-ci.

Cela passe aussi par un renforcement de la cour des comptes avec des sanctions d’inégibilité et pécuniaires personnelles très fortes pour ceux qui en profiteraient à titre personnel.

Enfin il faut surtout la politique par l’expérience. L’expérience de la réussite professionnelle…

Bien plus qu’un changement de politique de droite de gauche ou de nulle part c’est un changement par le retour de la démocratie par la représentation directe du peuple, celui qui produit, celui qui créé la richesse…

Le chaos est à notre porte, favorisée par l’intelligence et l’instruction et je finirai par cette citation de Montesquieu sans doute trop souvent proclamée mais qui plus que jamais est d’actualité au sens du paysan et son pays : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire